Cher 2013 Montluçon

Chantier DRAC /SRA Auvergne  n°7389  Arrêté n°2013-167 du 20 juin 2013

Historique : Au cours de l’année 2012,  des prospections sont reprises dans le lit du Cher, sur la commune de Mmontluçon. Les travaux d’assainissement entrepris  dans la partie aval du Pont St Jacques autorisent cette reprise dans des conditions d’hygiène un peu meilleures. Ces prospections permettent la découverte et mise en évidence de vestiges du passé industriel de Montluçon pour la période XIX-XXème. Plus aval encore, un peu avant la limite de commune Montluçon – Désertines dans la zone de Maugacher que les montluçonnais appellent la Passerelle St Gobain.  Les  découvertes  archéologiques  s’enchainent  sur moins de  200m.  Pas  moins d’une trentaine de  meules ou morceaux de meules sont inventoriés dans le lit de la rivière ainsi que des pieux et une poutre sablière avec mortaises. Ce tronçon est important car il permet d’aborder une période peu documentée et pratiquement inconnue de l’Histoire de Montluçon (voir les chantiers précédents). Il était donc évident qu’il faille revenir sur la zone pour peaufiner les datations et extraire ces meules pour étudier leur typologie s’étendant de la période gallo-romaine à une période plus récente.

23 juin 2013: Huit plongeurs se sont mis à l’eau sur le site de Maugacher. Le matin, une première équipe allégée repositionne des meules catégorisées dans le Groupe 1 du chantier de l’an dernier et remet en place les bouées de signalisation des meules. L’après-midi une partie de l’équipe se charge du nettoyage de la poutre sablière passablement encombrée par les crues de cet hiver. Quant aux autres plongeurs un travail laborieux s’ouvrent à eux et pas moins de 11 meules ou morceaux de meules sont sortis de l’eau pour être conduits au sec pour étude ultérieure. Organisation, bonne volonté et beaucoup de muscles ont permis de réussir cette première mission conformément à l’ordre du jour prévu.

Les conditions : Conditions très favorables pour cette reprise, les quelques gouttes de pluie ne sont apparues que lorsqu’il a fallu remonter dans les voitures et repartir. Le débit du Cher a à peine bougé dans la journée en restant à 1 m3/s, temps partiellement ensoleillé et une rivière dont la température a varié de 16 à 18°C.

Un petit glossaire sur les meules hydrauliques de notre chantier

Meule
Œil ou œillard
Perforation centrale
Demi ou secteur de meule

 = morceau de meule possédant
 encore  une partie de l’œillard
Fragment de meule

 = morceau de meule ne possédant
 plus d’œillard.
Trace d’anille

anille pièce métallique dont
l’emplacement est taillé dans
la meule et qui permettait de
verrouiller la meule sur son axe.
La poutre sablière mesure 5m de long, elle est aménagée et laisse apparaître 5 mortaises.
En place ou non, difficile à dire en l’état, il faudra passer du temps sur cette pièce remarquablement conservée si son âge est confirmé.
Plusieurs mortaises indiquent le rôle de poutre sablière destinée à servir de fondation à un moulin hydraulique compte tenu du nombre de meules découvertes autour. (film)
Grosses difficultés pour sortir la meule n°23. Elle se situe pratiquement au milieu du Cher.
Le lit de la rivière est rempli de blocs chaotiques qui empêchent une bonne stabilité des plongeurs debout.
Il en manque pas beaucoup mais impossible de hisser cette meule sur le radeau gonflable prévu.
Ce morceau de meule est estimé à environ  150kg.
Changement de stratégie, la bouée est appuyée aux blocs de la digue, avec un peu moins d’eau et un sol plus stable, les appuis des forçats sont meilleurs !
Après une bonne suée, la première partie du plan a fonctionné avec la mise en place du bloc meule sur un radeau.
Le gros des difficultés est surmonté, il reste à pousser le bloc vers la sortie en amont et au niveau de la rive de mise à l’eau.
Les mises au sec vont s’enchaîner avec la sortie intégrale des meules du groupe 1 cartographiées l’an dernier.
Il est manifeste que nous sommes en présence de diverses meules ayant plusieurs origines et utilisées à des époques différentes d’où cette disparité entre elles.
La typologie de ces meules indique diverses périodes et diverses origines pour les meulières.
La collection du jour s’étoffe, il en reste encore au moins une vingtaine à sortir pour les prochaines plongées.Certaines étiquettes ont mal résisté et il faut les refaire sur le champ pour garder leur numérotation.
Une belle meule avec oeillard, ses cotes seront précieuses,  pour la classifier.
Une autre meule intéressante  aussi, elle  possède encore son oeillard  et surtout  un  trace  d’anille.
Une trace d’anille pas évidente  à voir, devrait peut-être nous permettre de dater cette meule en faisant des comparatifs dans la base du PCR Meules.
Dans le lit du Cher, toutes les pierres et blocs se ressemblent dans leur contexte de mousse, de limon au milieu des suspensions.
C’est l’expérience et l’œil  du plongeur qui vont être déterminants lors de la découverte de telles pièces. Mais vu la visibilité et la turbidité dans l’eau, encore faut-il passer au-dessus d’un bloc intéressant, pouvoir le voir et l’interprété comme potentiellement intéressant pour notre étude.
Une fois repérés, les blocs sont chronologiquement numérotés avec une étiquette et laissés en place. Ainsi d’une année à l’autre, il est plus facile de les retrouver.
Lorsque la décision est prise de prélever ces meules ou morceaux de meules, il suffit d’y accrocher une petite bouée de surface. Il est ensuite plus facile, depuis la surface, de revenir sur les pièces  sélectionnées pour être prélevées pour étude.

La prochaine sortie consistera à poursuivre les prélèvements des meules et à procéder aux prélèvements de morceaux de la poutre sablière en vue d’une analyses en dendrochronologie pour essayer d’affiner sa datation.

04 juillet 2013.

14 Juillet et 21 juillet : Les opérations de prélèvements de meules se sont poursuivies heureusement, il y avait du monde et une bonne organisation, le travail s’est déroulé dans de très bonnes conditions. Les opérations planifiées ont eu lieu comme prévu, les pièces retirées de l’eau ont été mises en sécurité dans un local où elles vont pouvoir être photographiées dans tous les sens, dessiner et entrées dans une base informatique nationale dans le cadre du PCR Meules rotatives. Ces meules vont venir grossir le nombre de celles déjà connues et répertoriées. Cette année 2013, grâce à ce chantier, va voir le nombre de meules pour l’Auvergne faire un bond de près de 50% supplémentaires. Elles sont d’autant plus intéressantes qu’elles couvrent une période allant du Haut-Empire au Moyen-Age voire à l’Epoque Moderne.  L’étude de leur typologie permettra de les placer dans des calendriers de dates qui viendront étoffer l’activité de meunerie dans la zone de Montluçon. Non seulement les meules ont cet intérêt mais il reste une  pièce importante trouvée aussi sur ce site de Maugacher. Il s’agit de la poutre sablière basse. Elle pourrait correspondre à l’un des tous premiers moulins installés sur cette zone. L’analyse Carbone14 réalisée l’an dernier nous la positionne dans une période très discrète et peu documentée sur le sujet. Cette année l’autorisation qui nous est accordée de procéder à un prélèvement et une analyse en dendrochronologie va être prépondérante pour affiner cette datation et inscrire un moulin dans une tranche ou période bien précise.
Il nous apparaît opportun aussi ici, au-delà du bénévolat de l’équipe habituelle de plongeurs archéo, de remercier au passage quelques petites actions annexes mais néanmoins utiles au bon déroulement de nos travaux et notamment le prêt de véhicules pour le transport des meules, les  films et  photos pour une présentation 3D. (ils se reconnaîtront !)

Les conditions :
Chaud ! très chaud ! La température extérieure avoisinait les 30°C. Le débit du Cher a été de 1 M3/s durant toute l’opération par contre la température de l’eau était variable selon la zone de travail dans la lit de la rivière et la profondeur ainsi il a été relevé des températures entre 16°C et 18°C. Une visibilité très correcte a été appréciée mais le développement d’algues et autres végétaux aquatiques a été remarqué ce qui devrait engendrer rapidement une couverture végétale du lit de la rivière dans les semaines à venir qui interdira de bonnes observations. Il était temps de faire ces prélèvements.

La poutre sablière basse, elle mesure 5m de long pour une largeur variable mais moyenne de 33cm. Sur ce cliché on observe la partie qui reposait au fond de la rivière lors de sa découverte. Ce côté semble être resté brut avec ses déformations de départs de branches. La face opposée est rabotée ou plus plate.
Sur 5 mortaises apparentes et perforantes, 4 paraissent sensiblement alignées mais la première, au bas de la photo, présente un angle différent par rapport à sa voisine.  Ce constat confirme l’usage de pièce d’assemblage de la poutre. Nous avons également noté que cette  première mortaise  présente des aménagements particuliers et pas les autres.
Malgré son grand âge, la pièce de bois gorgée d’eau et immergée depuis longtemps, mobilise plusieurs plongeurs pour une  manipulation avec précautions.
Même si quelque part c’est dérangeant de tronçonner une telle pièce, cela reste pour la bonne cause.
Pour combler aussi l’équipe, il existe encore des traces d’aubier sur certaines parties de ce “demi-tronc” d’arbre, d’où une sélection des zones à prélever.
La dendrochronologie pourra être plus précise.
Les départs de branches, assez gros pour certains, sont encore présents et n’ont pas été rabotés ou travaillés, tant mieux, il existe encore de l’aubier (traces marron clair).
Photos, cotes et mesures sont prises pour dessiner la poutre et restituer ses aménagements.
Sur ces deux weekends de plongée, ce sont plus de 20 meules (ou morceaux) qui ont été prélevés et qui vont être étudiés.
Les formes, les tailles et surtout la nature de la pierre sont souvent différentes indiquant des  périodes elles aussi différentes.
L’étude des meules “au sec” sera déterminante avec notamment, comme sur cet exemple, une trace d’anille.

22 juillet 2013

27 juillet 2013 : Retour sur le chantier de Maugacher qui aura mobiliser le plus grand nombre d’heures de plongée sur deux ans. Les prélèvements sont faits mais quelques vérifications s’imposaient encore. Si l’on considére que les meules et morceaux découverts sont restés couchés dans le lit du Cher durant des siècles, il était important de regarder sous leurs emplacements pour voir si du mobilier d’époque ne se serait pas retrouvé prisonnier sous ces meules. Rien de significatif n’a été découvert. Cette vérification faite, il restait à s’intéresser encore aux blocs taillés découverts au milieu des meules. Les traces d’agrafes, les trous de louve et la position de ces blocs au milieu des meules peuvent nous éclairer sur l’architecture des moulins de cette zone.

Conditions :  
Très beau temps toujours, température supérieure à 30°C à l’extérieur et 18°C dans l’eau, un débit minima à 1 M3/s ont fait encore une sortie agréable à réaliser. Ces conditions (et de bons photographes) ont également permis de réaliser des clichés sous-marins intéressants.

 

Dessiner sous l’eau est l’une des taches nécessaires à maîtriser lorsque l’on est en présence de blocs de pierre que l’on ne peut déplacer et encore moins sortir de l’eau.
Il est important de connaître  les aménagements réalisés dans ces blocs de plusieurs centaines de kilos. Cela peut donner une idée de leurs assemblages et une sur la période de construction.
L’ensoleillement est particulièrement intéressant car, par temps couvert, la luminosité ne serait pas la même.
Ces aménagements taillés dans la pierre sont assez significatifs.
Les blocs taillés pèsent plusieurs  centaines de kilos et ne peuvent être déplacés. Ils doivent être étudiés au fond.
Des trous d’agrafes assez bien conservés.
Différents types de trous d’agrafes.
Enfin, bouger la vase du fond attire quelques poissons peu farouches et cela permet de faire quelques belles observations, indiquant que notre intervention n’est pas si dérangeante que cela pour le milieu naturel comme le prouve cette petite visite aux plongeurs d’un ban de perches (perca fluviatilis).

Si le travail de terrain est pratiquement terminé sur le site de Maugacher, il faut maintenant mettre tout cela sur le papier, transmettre les prélèvements de bois pour les analyses, peaufiner les dessins et schémas qui pourront aider à la lecture du site et comprendre la façon dont pouvait être structuré cette zone des Moulins de Maugacher.

28 juillet 2013

Août 2013 : Comme indiqué précédemment, l’archéologie subaquatique ce n’est pas que mettre la tête sous l’eau par temps de canicule, c’est aussi une travail d’archive, de gestion des prélèvements…etc. La rédaction du rapport final passe aussi par des dessins et comparaisons typologiques des meules par rapport à la base nationale des meules hydrauliques, le but étant de pouvoir classer les meules pour en déterminer la période de leur utilisation. Sur ce point, notre site s’est révélé particulièrement prolifique. Le dernier point nous indique 36 meules ou morceaux de meules sur le site des moulins de Maugacher

Chaque  meule va faire l’objet d’une étude spécifique.
Cela implique des prises de cotes, calculs d’angles et d’épaisseurs, des photographies, des dessins et identification de la nature de la pierre pour en trouver la carrière d’origine si possible.
Elles vont être relevées à l’aide d’une fiche descriptive pour entrer dans la base du PCR Meules hydraulique
Ce sont pas moins de 36 pièces qui ont été mises au sec par l’équipe de plongeurs.
La multiplicité des types de meules devraient indiquer une longue période d’occupation de cette zone de Maugacher.
Certaines de ces meules changent de couleur au séchage et montrent des traces évidentes d’érosion ou de transformation de leurs composants après plusieurs siècles dans le lit du Cher.
De bonnes surprises  arrivent parfois et avec quelques morceaux de meules, on parvient  à en reconstituer une.