Cher 2007 Montluçon

 

Chantier DRAC/ SRA N° 6038  Prospection des cours des rivières Allier et Cher et en particulier l’étude de franchissements du Cher dans l’agglomération de Montluçon. 

Historique   Le pont St PIERRE  a traversé les siècles malgré bien des déboires en raisons des crues terribles du Cher. Le voyageur et géographe Nicolas de Nicolay, en 1569, décrit le Cher comme un fleuve impétueux et violent. Ainsi les Archives permettent de citer des datent de crues violentes : 1766, 1782, 1786, 1791, 1792 puis 1835, 1841, 1844, 1855, 1856.  Ce sera la crue de 1855 qui fera le plus de mal à l’ouvrage. Il est établi que la largeur trop importante de ses piles provoquent une sorte de barrage ou de retenue d’eau qui augmente l’expansion des eaux dans la ville au moment des fortes eaux.
C’est en 1856, alors que le pont est toujours debout mais endommagé, que la décision est prise de le restructurer de manière à affiner ses piles et ainsi réduire la prise au courant de la rivière si impétueuse 4 mois par an.
S’ensuivent alors des travaux d’aménagements de 1878 à 1879 pour cette restructuration des piles, de 1908 à 1910 un premier élargissement du parapet est réalisé. Enfin un second élargissement est entrepris en 1964

Lithographie de 1851 représentant le pont St Pierre comme il devait être à cette époque toute en pierre alors que ce même pont au Moyen Age est dit “de bois et de pierre” donc encore différent.
Avant 1908 les piles du pont sont plus larges que le tablier, le pont est relativement étroit, les contraintes de circulation vont obliger les autorités à un premier élargissement.
1964 en plein travaux.
Le parapet est entièrement revu pour l’amener à la configuration que nous lui connaissons encore aujourd’hui.

Le chantier archéo n°1 ouvert en 2006 a permis la mise en évidence d’un potentiel non négligeable d’éléments intéressants dans le lit du Cher à hauteur du Pont St Pierre et jusqu’au barrage St Jacques. Les vérifications entreprises sous ce même pont ont révélé la présence de vestiges susceptibles d’apporter des éclaircissements sur les diverses périodes et techniques de reconstructions du pont.  N’ayant pas pu être menées à leur terme, les investigations reprennent en 2007 spécialement au niveau du pont et par des prospections en amont sur d’éventuelles fondations d’habitations.


Etape n°1  : Les 07 et 08 juillet plongées de reprises d’activités sous le pont. La première matinée a surtout consisté à nettoyer le chantier. Sous les arches du pont le bathymétrie étant variable du simple au double, il y a des accumulations d’objets divers qui restent enchevêtrés. La première mission a consisté à sécuriser le chantier en enlevant ces branches, panneaux de signalisation, barrières de chantier, ferrailles de toutes sortes (vélos, piquets…), tâches pas très passionnantes mais nécessaire pour mener à bien les relevés. L’après-midi a consisté à relever les fondations de l’ouvrage ce qui a permis la mise évidence et la mise sous côtes des piles anciennes de l’ouvrage. Ainsi il a été permis de matérialiser que les piles actuelles (<2m>) reposent sur des piles maçonnées plus anciennes de 6m chacune. Découverte également d’un grand nombre de pieux sous l’eau qui apparaissent sur certains clichés et cartes postales du début XXè en période de basses eaux. Ces pieux seront répertoriés et relevés au cours des plongées du lendemain 08 juillet.
C’est aussi au cours des plongées du 8 juillet qu’une découverte intéressante a été faite puisqu ‘il semble que trois “vestiges” d’un ouvrage en bois situé juste en amont du pont ont été retrouvés. Cette possible construction s’apparente à des crèches de protection des fondations des piles. Elles ont pour rôle de renforcer l’avant de la pile pour éviter l’érosion ou les effets d’affouillement par le courant en amont de la pile.  
Nota: Week-end chargé d’émotions aussi pour l’équipe puisque mise à l’eau pour la première fois de notre embarcation “Loup des Mers” qui nous sera très utile pour l’avenir et qui a déjà fait ses preuves dés la première sortie car il a supporté fort vaillamment la nouvelle pompe hydrolique acquise par l’équipe et qui a très bien fonctionnée pour le nettoyage et le déblaiement des vases sous le pont.
       

Les conditions de plongée:  Temps ensoleillé avec des passages nuageux, 21 à 23°C à l’extérieur, profondeur moyenne de travail entre 1m60 et 2m50 sous certaines piles, température de l’eau 19°C, courant quasiment inexistant, visibilité très intéressante par rapport à ce que nous avions déjà connu précédemment pour la journée du 07 Juillet par contre la visibilité s’était détériorée pour la journée du 08 juillet.

Perspectives: Les investigations doivent reprendre pour le week-end des 21 et 22 juillet prochains. Il est prévu de terminer les relevés des derniers arches pour “finir” le pont et s’il reste du temps, les vestiges de bois des “crèches de protection” seront relevés.

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On trouve de tout, ces objets peuvent être dangereux pour les plongeurs.
Envasement en aval d’une pile constitué de sable, vase nauséabonde et objets divers.
Qu’auront les archéologues dans 2000 ans à se mettre sous la dent ?
Pieu balisé sous l’une des arches.
Pieu balisé avec une visibilité satisfaisante
Un gros travail de positionnement reste à faire pour matérialiser ces vestiges d’ouvrage en bois

Etape n°2 : Les 21 et 22 juillet étaient prévues  encore des plongées pour poursuivre les investigations. Le 20 juillet, le quai de mise à l’eau de l’équipe de plongeurs archéologues a dû être nettoyé à l’aide de la moto-pompe et du jet à pression. Cette mise à l’eau était vraiment dans un état déplorable en regard des détritus flottants, algues et poissons morts. Le nettoyage n’a pris que quelques minutes, tout était de bonne augure pour le lendemain.
Surprise le 21 juillet en arrivant sur le quai, l’eau avait montée d’une dizaine de centimètres et un courant qui pouvait paraître anodin se faisait nettement voir en surface. Rien n’arrête des courageux et un petit groupe se met à l’eau en espérant tracter le “Loup des Mers ” sur son lieu de chantier. Déjà l’eau était à peine à 17°C eu égard vraisemblablement au courant. Le barrage de Rochebut avait dû faire un lâcher plus quelques eaux de ruissellement vraisemblablement! Dix minutes dans l’eau ont suffit aux plongeurs pour se rendre compte qu’il était quasiment impossible de lutter contre le courant et rejoindre le chantier distant de 100m environ et il serait encore moins possible de rester sur place en plein courant pour travailler, enfin la couleur de l’eau a fini par avoir raison des dernières motivations pour ce week-end.
L’après-midi du 21 même s’il n’y a pas eu de bulle, la demie journée a été utilement occupée. L’équipe, sous le patronnage d’Olivier, s’est rendue dans la carrière des Serpents en amont où, à pied sec, le chef de chantier a détaillé les rapprochements effectués entre les pierres de cette carrière et le monolithe trouvé l’an dernier par l’équipe dans le Cher.

Une petite vérification sur un site internet a permis de constater que le débit du Cher était de 46 M3 /s toute la journée du 21, mais heureusement, le 22, le débit n’était plus que de 15 M3 /s le matin pour tomber à 5M3 /s l’après-midi.
La journée du 22 juillet a donc vu plusieurs palanquées se mettre à l’eau. Les dernières arches ont pu être nettoyer pour de futures inspections. Ce sont plus d’une centaine de pieux qui sont répertoriés sous le pont mais leur nombre devraient avoisiner les 400 !! Il y a encore du pain sur la planche. Les prochaines sortie devraient voir l’étude du dispositif dit de “créche de protection des fondations”.
 

Etape n°3  :  Nouvelles investigations sur le site au cours du week-end le 01 – 02 – 03 septembre au cours desquelles 11 plongeurs se sont succédé et qui ont permis de recueillir de nouvelles informations et données sur l’ouvrage en place et les vestiges qui pourraient correspondre à l’un des ponts anciens que recherche l’équipe.
Samedi 01 septembre : relevé de 75 pieux balisés en juillet autour de la pile n°2 .
Dimanche 02 septembre :  relevé des structures pierre des piles n°3-4-5 et culée droite. C’est au cours de cette journée que sont découvertes deux constructions différentes superposées faites de pierres de réemploi sur lesquelles on aperçoit des techniques anciennes d’assemblage. On peut donc supposer la présence de deux ponts de pierres sous le pont actuel.
Lundi 03 septembre : Le planning de travail prévoyait le relevé des trois crèches de protection des fondations en amont du pont. La première s’est montrée si complexe et aboutie, que son relevé a pris la journée. C’est une structure magnifique avec des techniques de charpentier superbes. La structure commence à 8m50 en amont de la pile actuelle et se prolonge un peu sous l’arche et où les constructions des ponts suivants ou successifs l’ont détruite.

Synthèse des informations relevées sous l’eau pour pouvoir les reporter ensuite sur un plan dans le rapport de fouille.
Non seulement l’assemblage de la structure en bois est remarquable en qualité et technique de construction mais aussi en excellent état de conservation.
Non seulement l’assemblage de la structure en bois est remarquable en qualité et technique de construction mais aussi en excellent état de conservation.
Une tête de clou forgé assemblant  des pièces de la crèche de protection.
Un des pieux découverts à proximité et présentant un façonnage en mortaise pour venir s’emboîter dans une poutre. Ce tenon découpé maintien la poutre qui s’appuie elle-même sur la tête du pieu.

OCTOBRE 2007


Etape n°4 : L’autorisation est donnée à la Commission Archéo 03 de procéder à des extractions et prélèvements de pieux de fondations signalés précédemment. La logistique se mets en route, là il faut prévoir un engin pour extraire de l’eau des pieux enfoncés dans le lits de la rivière depuis des siècles. La commune de Montluçon répond favorablement à la sollicitation du chef de chantier et autorise la mise à disposition d’un engin de levage et du personnel adéquat.
L’opération est montée pour le week-end des 13 et 14 octobre 2007. Le levage devant intervenir le dimanche 14 octobre 2007 il faut prévoir la mise en condition des objets à retirer de l’eau.
Les plongées précédentes ont permis de réaliser des plans et relevés et de positionner les pieux (un peu plus de 100) les uns par rapport aux autres et par rapport au Pont ST PIERRE existant. Une sélection sur papier est opérée sur des pieux les plus significatifs d’une part et aussi ceux qui paraissent les plus faciles à retirer avec l’engin qui restera sur le Pont St Pierre.


Le  13 octobre : L’objectif est de préparer les pieux choisis pour le lendemain. Ces pieux dépassent du fond de la rivière d’une vingtaine de centimètres. Il est nécessaire de creuser autour de chacun afin de former une cuvette de 80 cm de diamètre pour gagner de la longueur et pouvoir passer les sangles de levage au plus bas.
Il faudra toute la journée du samedi pour réaliser ce dégagement soit 2h30 le matin et autant l’après-midi dans une eau à peine à 13°. Le travail avec la motopompe et à la lance a été assez physique et consommateur d’air mais le but a été atteint. Compensations pour les plongeurs: une assez bonne visibilité, un petit filet de courant qui évacue un peu les suspensions et un niveau d’eau plus bas que pour les plongées précédentes.

Le  matériel est embarqué à bord du “Loup des Mers” :Motopompe, lance etc…
Recherche des pieux de fondations sélectionnés à hauteur de la pile n°3 du Pont St Pierre. Il faut trouver dans l’eau les numéros des pieux vus sur les plans.
Le soleil ne réchauffe plus l’eau à cette époque ! Plusieurs couches sous la combinaison sont les bienvenues.
Première découverte en dégageant les graviers et remblais un sabot métallique de pieux de fondation. Cela commence à augurer la journée du lendemain.
La technique du sabot métallique facilitait la pénétration des pieux de fondation

Le 14 octobre :  Le soleil est de la partie mais l’eau est toujours à 13°, l’après-midi s’annonce délicat, il faut réussir aujourd’hui après il sera trop tard dans la saison.

 

Mise en place de l’équipe de levage sur le pont guidée par les plongeurs à la verticale du chantier.
L’opération attire les curieux et les commentaires  fusent
Manœuvre délicate et précise, il ne faut pas tirer en biais au risque de casser le pieu.
En plus de l’eau, sueurs froides !  Il faut s’y reprendre à six fois avant de pouvoir extraire quelque chose. Plusieurs contraintes apparaissent, les pieux sont lisses ils se terminent tous par un cône d’érosion qui ne facilite pas l’accroche des sangles. Il sera nécessaire de tester plusieurs nœuds différents car il ne faut pas non plus entamer le bois.
L’œil à tout pour les réglages et calages, résultat : pas de casse de matériel  ni des objets prélevés. Cela fait partie du but recherché. 
Mise au point et réglage avec la double contrainte de sécurité celle de la plongée et celle du travail avec engin.
Travail , surveillance et patience vont finir par payer.
Après plusieurs décrochages, petite angoisse lorsque le levage résiste et que le tracteur vacille sous la traction.
Ouf ! le premier apparaît, la technique finit par fonctionner.
Les extractions s’enchaînent
Chargement sur le Loup des Mers.
Quatre pieux prélevés à hauteur de la Pile n°3 du Pont  St Pierre.
Ils sont rapidement enveloppés par les plongeurs avec un film plastique qui les protège du dessèchement par le soleil et ralentit le développement bactérien qui apparaît dés leur sortie de l’eau
Les opérations reprennent au niveau de la pile n°2.
Le  dernier est à bord, sept pieux.  Le plus petit fera saliver de plaisir l’équipe, il est équipé d’un sabot métallique en très bon état  et d’un modèle différent de celui trouvé la veille.
Le chargement arrivé au bord
Rendus en zone de stockage, les pieux sont libérés du film plastique avant de retourner dans l’eau.
On peut remarquer la zone grise qui correspond à la partie enfoncée dans le lit du Cher. On voit aussi qu’un pieu sans sabot métallique a sa pointe qui éclate lors de l’enfoncement.
La pointe  ferrée  attire l’attention, elle est bien conservée  et l’on constate qu’un pieu équipé ainsi, reste  efficace à l’enfoncement.
Quelques cotes sont relevées et matérialisées pour questionner les spécialistes sur le sujet.
Malgré la gangue vaseuse, on aperçoit le clou de montage.
Avec précaution, les pieux sont replongés dans un plan d’eau douce peu profond pour être récupérés le moment venu pour les prélèvements pour analyses
Et pour être au plus prés de leur situation initiale, les pieux sont enveloppés dans une bâche pour  ne pas subir la lumière qui risque d’engendrer des modifications du bois et des organismes qui se trouvent dessus. 

10 novembre 2007
Poursuite des travaux sur les pieux, comme prévu , ils sont sortis de l’eau  pour être examinés un peu plus en détail que lors de leur extraction et où la journée avait été suffisamment chargée.
Les pieux reviennent à sec, ils ne semblent pas avoir subi de modification visible et paraissent être dans l’état dans lequel on les avait stockés un mois plus tôt.

Les sept pieux  prélevés le 14 octobre, un par un sont nettoyés, photographiés puis dessinés à l’échelle 1/100ème  pour figurer dans le rapport.

On notera que chaque pieu sauf naturellement celui qui est ferré, présente un éclatement significatif à sa base provoqué lors de son enfoncement et des chocs avec les pierres et roches du fond du lit du Cher. 
Quasiment chacun des pieux présente des traces  d’outils pour les tailler et qui ont permis de les “affûter” tel des crayons pour les enfoncer dans le lit de la rivière.
Le pieu le plus long mesure près de 2m et malgré un diamètre respectable, il n’a plus de pointe effilée
Pour une meilleure pénétration, les bâtisseurs devaient  donner une pointe à chaque pieu. On distingue encore aujourd’hui sur celui-ci les traces d’outils du genre herminette pour le tailler.
Le pieu  ferré  est le seul  sur les sept extraits à présenter  cette particularité ce qui ne veut pas dire qu’il n’y en ait pas d’autres parmi ceux restés dans le lit du Cher.
Le sabot ferré a rempli son office puisque la pointe a résister à l’enfoncement dans le sol.
La “tête” de ce pieu  ne dépassait  que de 20 cm  du fond du lit (zone noirâtre sous l’étiquette)
La pointe forgée a bien résisté
La “tête” du pieu , ce qu’il en reste, a vraisemblablement dû subir et mal supporter des périodes à l’air libre et des périodes immergées d’où son aspect.
Les sept derniers centimètres du sabot sont  en métal plein.
Les pieux une fois reproduits en dessin et photographiés, doivent “parler” et “dire leur âge” !  Et cela passe par un tronçonnage pour découper dans chacun d’eux une tranche  de quelques centimètres destinées à un laboratoire spécialisé en dendrochronologie
Chaque pieu nous révèle un bel aubier entourant le coeur du bois ou duramen. 
Un échantillon qui va partir au labo il s’agit vraisemblablement de chêne. Il ne reste que l’aubier et le duramen (ou bois parfait) qui sont les parties les plus importantes pour la datation. Plus l’aubier est présent et en bon état, plus fine et précise sera la datation. 
Profile du Chêne
Le pieu ferré a lui aussi révélé un joli profil à étudier.

(Synthèse 11 Novembre 2007)