Cher 2006 Montluçon

Chantier archéo-subaquatique réalisé dans le Cher à Montluçon en 2006.

Chantier DRAC/SRA N°5808 stipulant un inventaire diachronique ( = toutes époques) des cours des rivières Allier et Cher dans leur traversée du département de l’Allier + relevés et prélèvements pour datation d’un pont présumé dans le Cher à Montluçon.

Historique : En 1962, développement du réseau sous-terrain de Montluçon, un chantier est ouvert pour poser une canalisation d’eaux usées dans les rues, oui mais à un moment, il a fallu traverser le Cher en pleine ville, entre les actuels Pont St Jacques et Pont St Pierre, à quelques  mètres  de ce que les montluçonnais connaissent comme le « jet d’eau » qui embellit  le cours lent et verdâtre du Cher dans sa traversée  de la ville. Qu’à cela ne tienne, le cours du Cher est partiellement asséché  par moitiè de sa largeur et le clapotis de l’eau est remplacé par le bruit des pelleteuses, des pelles et des pioches.  Surprise la tranchée ainsi creusée se retrouve encadrée par deux rangées de pieux ou piliers enfoncés dans le lit du Cher et semble-t-il ignorés jusqu’à présent.  La tranchée passe en plein milieu . A cours des travaux il est nécessaire d’extraire un pilier qui génait. On découvre alors que celui-ci, et vraisemblablement les autres sont enfoncés de prés de 3 mètres dans le lit du fleuve et non content de cela, il a une belle pointe ferrée et forgée indiquant qu’il ne s’agit pas d’un simple pieux enfoncé sommairement.  Hélas, à l’époque le pilier n’est que sommairement étudié et apparemment non conservé, quelques photos sont prises depuis les rives, matérialisant la tranchée et sa guirlande de piliers et elle est rebouchée sans autre formalité au grand dam  des montluçonnais qui auraient souhaité en savoir davantage.

 

ETAPE n°1 : Le 25 Mai 2006, deux séances de plongée sont effectuées, une le matin et l’autre l’après-midi.  Huit plongeurs participent à l’événement. Compte tenu des conditions de visibilité, les plongeurs sont reliés deux par deux par un boot d’environ 2m,  les zones à prospecter  sont réparties sur le groupe. La plongée du matin a pour mission  de voir s’il est possible de trouver une trace ou un indice de la présence de ces piliers. La découverte ira au-delà de toute espérance c’est en effet  une douzaine de pieux qui sont découverts apparents dans le fond de la rivière.  L’après-midi, fort des  éléments recueillis précédemment, il est décidé de baliser chacun de ces pieux afin de les retrouver plus facilement au cours des prochaines recherches.
Les conditions de plongée:  Temps couvert et venteux, 12 à 13°C à l’extérieur, profondeur moyenne de travail entre 1m60 et 1m80, température de l’eau 15°C en surface et 14°C au fond, courant quasiment inexistant, visibilité pratiquement nulle entre 0 et 1m60 s’éclaircissant  dans les 30 derniers cm au fond permettant un visibilité horizontale d’environ  1m au fond.
Les perspectives : Les investigations ne pourront reprendre qu’en août, il est envisagé un balisage aérien des pieux pour pouvoir faire faire un relevé par un géomètre depuis la rive avec un théodolite. Relevé des positions pour réalisation d’un croquis et la situation de l’ouvrage par rapport au cadastre.  Prélèvement d’un échantillon d’un pilier pour faire procéder à une analyse dendrochronologique(datation du bois).

En attendant voici les premières photos de cette journée du 25 mai 2006.

Préparatifs de la plongée et organisation des palanquées
les zones de prospection sont réparties pour chaque palanquée
Premier balisage temporaire des piliers.

05 -06 -07 août 2006

ETAPE n°2: Nouvelles séances de plongée retour sur le site, ce sont 5 palanquées de 2 plongeurs qui plongent pour retrouver les  marquages de l’exploration précédente. Dés le départ la grosse difficulté sera la visibilité horizontale nulle avec la présence constante de particules en suspension. Néanmoins, les piliers déjà marqués sont retrouvés,  mais l’habitude et l’expérience venant,  le nombre a augmenté un peu.  La matinée du lundi a vu la participation  d’un géomètre des services techniques de la ville. Avec un thédolite, aidé des plongeurs en surface, il a pu repérer de façon précise l’emplacement des piliers dans le but de les positionner exactement les uns par rapport aux autres .  Satisfaction de l’équipe et confirmation que le système « D » pour le balisage et la matérialisation en suface a fait ses preuves.

Les conditions de plongée : Temps couvert avec quelques rares éclaircies, vent en surface qui contrarie le sens normal du courant  lui-même inexistant, température extérieure 25°, température de l’eau 18°, hauteur d’eau toujours entre 1m60 et 1m80 selon la zone, visibilité pratiquement nulle quelque soit la profondeur.

Les perspectives :
Le chantier est bien avancé, il reste à matérialiser sur le papier les relevés du théodolite.  Il reste encore à sélectionner un des piliers pour faire l’objet d’un prélèvement en dendrochronologie.

Avant toute chose, le briefing du chef de chantier, répartition des tâches pour les palanquées: C’est toute une organisation
Le travail sérieux n’empêche pas la bonne humeur (proverbe archéo ;-)) )
balisage et jalonnement des piliers en surface pour préparer le relevé du géomètre
Les alignements des piliers se dessinent tout doucement

Samedi 26 août 2006

 

ETAPE n°3: Deux nouvelles plongées ont été réalisées Samedi 26 août le matin et l’après-midi. Il était essentiellement question de vérifier des relevés  notamment concernant des cotes de piliers par rapport aux relevés du géomètre : On ne s’était pas trompé lors des prises de cotes précédentes: comme quoi le sérieux paie ! Vérification sur les pieux et la voie pavée le matin. Découverte d’une stèle sculptée qui méritera quelques études.
 L’après-midi a été exclusivement consacré  au Pont  St Pierre et  ce qu’il  cachait sous ses arches. Là encore il y aura d’autres bulles en perspective en regard des piliers de palplanches découverts à proximité des piles actuelles !

Les conditions de plongée:  Super le matin (comme en mai )  la visibilité au fond était correcte surtout lorsqu’il n’y a qu’un binôme de plongeurs dans l’eau, pas de vent et un très léger courant qui paraissait évacuer les suspensions. L’après-midi pas la même chose, un vent tournant s’est levé,  plus aucun  mouvement des suspensions. Tout ce qui était soulevé restait sur place !
Ciel plus ou moins couvert avec le vent, température de l’eau: 18° environ. Le barrage en aval du Pont St Jacques avait modifié ses réglages, le niveau d’eau sur le chantier avait baissé de 10 à 15 cm. La « pelle » la plus à gauche était fermée et les deux autres légèrement entre-ouvertes et laissaient couler un peu d’eau contrairement  aux conditions des plongées précédentes.

Les perspectives: Le Pont ST PIERRE mérite encore beaucoup de travail. Pour le prélèvement en Dendrochronologie, il reste à prendre attache avec le laboratoire pour connaître les conditions optimales que doit remplir l’échantillon pour être exploitable, et accessoirement  les €  !!! (ça c’est pas le plus simple des défits en archéo !)

NB: Notre bon vieux  « Loup de Mer » (notre bateau gonflable, certains comprendront) a eu bien des soucis, il avait plus l’air d’un « pruneau flottant » que  d’un vieux marin endurcit par la mer, il va falloir penser à le soigner ou à en changer.

Pilier apparent au fond avec son cône d’érosion
Pilier apparent au fond
Pilier apparent au fond et son cône d’érosion
Pilier apparent au fond
Bord un peu chaotique de la voie pavée
voie pavée avec ses pierres plates parfaitement imbriquées

Samedi 16 septembre et Dimanche 17 Septembre 2006

ETAPE n°4:  Nouvelle mission donnée par la DRAC, procéder à des prélèvements en vue d’analyses et extraire la stèle pour l’étudier. Ces nouvelles opérations ont eu lieu Samedi et Dimanche 16 – 17 septembre. Samedi matin, plusieurs équipes de « bûcherons-plongeurs »  ont eu pour tâche de scier plusieurs piliers au fond de l’eau afin de les sortir et de les conditionner pour le laboratoire d’analyse dendrochronologique. Ce qui fut fait et pas sans peine. Le premier sentiment laisse présager des difficultés eu égard au matériel, nous n’avions que des petites scies à branches (et non à bûches de diamètre 35-40 cm), la vérité sera criante ! Dans un premier temps, il a fallu creuser un peu autour de chaque pilier à prélever de manière à pouvoir scier sous le cône d’érosion c’est à dire là où le pilier semble avoir son plus grand diamètre. Joie de courte durée aux premiers coups de scie : comme dans du beurre ! oui certe ! les premier centimètres quelques peu spongieux mais après ! Ce n’est plus du bois, ni même de l’os ! c’est presque de la pierre !  La lame de scie avancait moins vite que l’aiguille du manomètre d’air vers le zéro et les douleurs musculaires. Pour un seul pilier, une palanquée de deux plongeurs consommait allègrement son demi bloc soit environ 90 bars chacun ce qui nous a ramené à un pilier le matin et un pilier l’après-midi par équipe.  Avec bien des douleurs aux bras et des apnées, le quota fixé au départ, pour les piliers, est quasiment atteint. Le samedi fin d’après-midi, c’est décidé on sort la stèle. Un gros parachute de 200kg et un de 50kg, un plongeur avec 20 bars, un autre à 40, deux autres à 10 et voilà quelques siècles d’envasement qui sont mis à mal. La stèle finit par se soulever du fond tout doucement et le chargement se rapproche du bord à 5 ou 10 cm du fond. Une fois au bord le travail n’est pas fini, cette stèle qui accusera sur la balance un joli poids de 180 kg doit être mise au sec. Solidarité oblige, les plongeurs « humides » poussent par en dessous et des plongeur « secs » tirent depuis la rive. En une demie heure chrono la stèle a changé de place entre le milieu du lit de la rivière et le coffre de la voiture à Olivier. Cela valait bien quelques photos.
Dimanche matin plus calme et moins gourmand en air ! Reste un binôme armé d’une bonne scie à bûche et le dernier pilier programmé se retrouve enveloppé dans un sac à l’abri de la lumière. Pendant ce temps là, Olivier nous gratifie d’un super dessin de relevé de la voie pavée et de la pierre chasse-roue, on peut même distinguer des sillages laissés dans la pierre par les véhicules d’il y  a longtemps !!!  Petite prospection sans résultat dans la zone aval du pont ancien  et du lieu de découverte de la stèle.  Pluie, vent et muscles endoloris ont eu raison des dernières forces à midi.  

Les conditions de plongée:  Bien le samedi, de belles éclaircies nous ont apporté un peu de visibilité au fond. Depuis le début de ce chantier, malgré que ce ne soit pas encore parfait, nous avons eu une des meilleures visibilités en comparaison aux autres jours. Température extérieure environ 24 ° et dans l’eau  stabilité à 18 ° . Le dimanche, nuages vent pluie ont fait chuter la température extérieure, il ne faisait pas bon sortir de l’eau, on était mieux à l’abri au fond !!

Les perspectives:
  Les prélèvements de piliers ont été conditionnés mardi et sont partis Jeudi direction
Grenoble vers le labo de Dendrochronologie (réponse probable dans 3 mois).  La stèle a été déposée au musée de Montluçon et va faire l’objet d’études pour tenter de déchiffrer les signes ou symboles y figurant.

Un pilier dans le lit du Cher avec son marquage avant sont prélèvement
Reste d’un pilier une fois prélevé, remarquez l’état de conservation du coeur du bois
En vue rapprochée le coeur est dur malgré son long séjour dans l’eau.
L’analyse dendrochronologique va étudier les cernes du coeur du bois vers l’aubier
La stèle sous sa couche de vase, sans visibilité, il faut déjà la deviner !
Au toucher, on peut les sculptures régulières
Depuis combien de temps est-elle là, que signifie-t-elle ?
A sec, on voit mieux les dessins de cette stèle de 180 kg
Une énigme aujourd’hui et demain après études ?
Une équipe heureuse

(Synthèse 22 septembre 2006)