Cher 2022 Vallée du Cher

PROSPECTION DU LIT DU CHER

Communes de Saint-Amand-Montrond, Orval, Nozières,

Bruère-Allichamps, Farges-Allichamps (Cher)

Opération archéologique n° 0613107. Autorisation DRAC/SRA Centre-Val de Loire du 13 juin 2022

(Source cartographique geoportail.gouv.fr)
La prospection 2022 s’est déroulée dans le lit du Cher entre la commune de St Amand-Montrond au départ, Orval, Nozières, Farges-Allichamps pour finir à Bruère-Allichamps rejoignant une zone antérieurement étudiée bouclant ainsi la zone que s’étaient fixée les prospecteurs


(Source cartographique geoportail.gouv.fr)
Ce tronçon du Cher moyen, est une zone de plaine au début des observations engendrant un parcours plein de méandres de la rivière avec une profondeur peu importante. La zone sera suivie par un rétrécissement du relief qui impose au cours d’eau un passage naufrageur non négligeable pour la navigation. Cette disposition fera le bonheur des prospecteurs avec une découverte très intéressante présumant une navigation antique sur le Cher dans cette partie.
Le Cher et ses méandres sur le secteur de Nozières et le Gué de la Férolle. Si cela paraît court à vol d’oiseau il y a du terrain à couvrir pour les prospecteurs !
Cette année l’équipe de prospecteurs-archéo locaux a reçu le précieux concours et renfort de collègues venus d’Auvergne, de Rhône-Alpes, et des Pays de Loire. Merci à eux !

La prospection ne se limite pas au lit direct de la rivière ! Les rives sont observées et sont toujours intéressantes comme ici les vestiges d’une crue qui a accumulé des chablis que le Cher a ensablés (environ 3 m) dans ses déplacements, ici d’Ouest-Est.

Ces chablis restent très intéressants pour les archéologues pour comprendre les divagations du lit du Cher. Ces éléments d’observations sont partagés avec un géomorphologue du CNRS qui s’intéresse à cette zone. Un prélèvement pour C14 a été réalisé par les prospecteurs. Il indique que ces arbres se sont couchés en berge entre -1613 et -1450 avant JC, c’est-à-dire à l’Age du Bronze. Ces informations sur la ripisylve ainsi partagées de façon pluri-disciplinaires permettent d’appréhender et d’envisager aussi les installations anthropiques en bords de rivières à diverses périodes.

Ce serait une intensification des crues entre 1975 et 1985 qui auraient provoqué cette érosion, avec peut-être aussi comme fondement, l’extraction de granulats dans le lit du Cher en amont et en aval dans cette même période accentuant l’effet érosif.

Commune de Nozières – Domaine de l’Ombrée sur la rive gauche

L’abbaye cistercienne de Noirlac (Bruère-Allichamps) fut bâtie au début du XIIème siècle, elle acquit rapidement des « granges » ou métairies autour d’elle pour subvenir aux besoins alimentaires des religieux et de ses personnels convers et autres.

Des textes font mention de la présence à l’Ombrée d’un bac et d’un potentiel port fluvial pour amener ou exporter des marchandises. (Arch. Dép. du Cher série 08H).

Appelée grange puis métairie relevant des religieux de l’abbaye de Noirlac, ce domaine agricole est un des premiers bâtis, il apparait à la fin du XIIème siècle. Ici figure une rare mention d’un chemin de halage au bord du Cher.
(Source Arch. Dép. du Cher Cadastre ancien, commune de Nozières tableau d’assemblage)
Des substructions ou remblais en rive droite (longueur 17 m), en face de l’Ombrée possiblement en relation avec un port fluvial relevant de l’abbaye et mitoyen d’un bac qui lui perdura jusqu’au XIXème siècle.

Commune d’Orval, Nozières, Farges-Allichamps, en rive droite ou gauche.

Le travail documentaire du secteur de prospection 2022 induit l’étude de photos aériennes réalisées par le Cercle d’Archéologie du Montluçon support de notre Commission d’archéologie subaquatique. Des anomalies quadrangulaires apparaissent dans des pâtures proches des rives, mentionnées cette année dans le rapport d’opérations, ces anomalies feront l’objet de prospections visuelles terrestres pour déterminer la nature de ces anomalies qui devraient correspondre à d’anciens bâtis à identifier et à dater. On notera entre autres vestiges la présence de plusieurs tessons de tuiles à rebord ayant un étalement périodique fluctuant du 1er au IVème siècle et même du Haut Moyen-Age. Bien que présentes en rive droite et gauche (Nozières et Bruère), ces terres cuites architecturales (TCA) indiquent une présence antérieure à l’abbaye justifiant une occupation antique certaine sur ce secteur sans qu’il y ait eu forcément de découverte « terrestre » pour l’instant. La prospection archéo-subaquatique valide des sites déjà connus mais elle apporte aussi de nouveaux indices relatifs à ces périodes peu ou pas documentées archéologiquement.

Au fil de l’eau (sous un beau soleil estival et une eau chaude et claire très agréable !)

Un mur linéaire (vestige) au-dessus de la rivière dans une zone aujourd’hui de pâture pourrait signaler la présence d’un ancien bâti.

Ensemble de blocs effondrés en rivière difficilement identifiables et datables à ce stade.
Un perré de navigation à distinguer des renforts de rives (comme peut-être l’image précédente). Ici les pierres sont bien alignées et lisses pour ne pas risquer d’endommager une coque de bateau par frottement. Le Canal de Berry ayant été mis en service en 1835, on peut considérer, à fortiori, que ces aménagements sont antérieurs et remontent à la navigation fluviale sur le Cher.
Un épandage (dépotoir) de céramiques diverses. Historiquement contemporains, ces rebus et pièces de terre cuite provenant de moules brisés, correspondent aux rejets de la fabrique de céramiques qui était installée dans l’abbaye de Noirlac au XIXème siècle. Les déchetteries n’existant pas, le lit du Cher et ses berges en aval de l’abbaye en regorgent sur plusieurs centaines de mètres.

On notera que l’observation de ces aménagements en rives, par un oeil exercé, ne peuvent se faire que depuis le lit de la rivière, la végétation et leurs accès depuis la berge sont quasiment impossibles.

Après l’abbaye de Noirlac, on se rapproche de Nozières et de son passé gallo-romain.

Une villa gallo-romaine est connue sur la commune de Nozières près du Gué de la Férolle ( = Fer ) qui reçut ce toponyme en regard de l’activité métallurgique que les Gallo-Romains développèrent. Nous savons que cette villa vit le jour entre le Ier et le IIème siècle. Une partie de ses fondations sont assises sur des scories. Un méandre du Cher est en train d’éroder la berge et le bâtiment (substructions) bascule dans le Cher par petits morceaux.

Depuis le lit du Cher, quasiment dans le vide, un des murs de la Villa de la Férolle où l’on voit que la maçonnerie a pour assise des scories et autres laitiers pour stabiliser le sol. C’était sans compter sur l’appétit érosif par dessous de la rivière deux mille ans plus tard.
Des scories jalonnent l’itinéraire des prospecteurs dans la rivière .

Il faut faire régulièrement un point cartographique pour se situer dans cette vallée avec certains tronçons presque sauvages depuis le milieu de la rivière sans point de repère bâti par endroit.

La rive gauche et ses secrets immergés vont venir récompenser les prospecteurs par une découverte inespérée à classer sur la période de l’Antiquité.

En parlant de tronçons sauvages, les prospecteurs n’oublient pas le côté nature de l’opération avec des rencontres intéressantes qui feront l’objet de signalement sur BioObs la prospection ayant un double intérêt archéologique et bio ! (Nuphar lutea)

On passe Nozières et on arrive entre Bruère-Allichamps et Farges-Allichamps dans un endroit où le relief rétrécit la largeur du Cher près du Bois de la Baume et le lieu va inspirer les prospecteurs.

Cela commence par la découverte de trois blocs massifs taillés qui ne sont pas tombés là par hasard.
5 à 6 belles carpes communes (cyprinus-carpio) s’abritent des prospecteurs dans un amas de branches et de souches.

Et enfin 15 meules à bras tapissent le lit du Cher signalant un incident ou accident de navigation sur ce tronçon difficile à franchir. Ces meules ( catillus et meta) se répartissent sur un peu plus de 15 m de longueur sur un amalgame formé de sable et de gravier.

Les meules sont numérotées et positionnées les unes par rapport aux autres. Elles sont toutes sur un axe Sud-Nord, il s’agit de 8 meta et 7 catillus d’un diamètre moyen de 43,1 cm.

Heureusement cette année, une nouvelle recrue pour le groupe de prospecteurs est venue en voisin et surtout avec son embarcation qui nous a bien servi. Merci !

Chaque meule est numérotée, inventoriée et individuellement conditionnée.

Il faut passer les meules de la rive gauche inaccessible (voie ferrée, talus de berge…) à la rive droite. Les charger sur le bateau par paquets (plusieurs voyages), elles pèsent en effet entre 29 et 49 kg avec le gros lot pour la meule M15 un peu hors norme à 90 kg. Il faut tirer le bateau à contre-courant sur environ 150m à quatre reprises, avant d’atteindre une berge partiellement accessible.

Et là, permis brouette exigé pour faire encore quelques dizaines de mètres bien mouvementés et vallonnés pour atteindre les véhicules.

La découverte ne s’arrête pas là, il faut ensuite identifier le type de roche pour localiser la meulière antique ayant permis l’extraction de ces meules. Un expert géologue confirmera la provenance toute proche de la meulière. L’ensemble du corpus de ces meules peut se positionner entre le 1er et 2ème siècle ap. JC. Cette découverte et les recherches géologiques qu’elle entraîne, vont se révéler très intéressantes pour le PCR Meules.