Cher 2014 Gorges du Cher

Chantier DRAC/SRA Auvergne n°2014/168 du 17 juin 2014

Commune de TEILLET-ARGENTY

Dans un méandre du Cher se trouvent les vestiges d’une ancienne passerelle (=>) reliant les deux rives, juste à côté du Moulin de Prat (=>). (extrait carte Etat-Major  XIXème – Géoportail)
Sur un extrait du cadastre napoléonien, le Moulin de Prat semble constitué de 3 bâtiments distincts.
 La maison du meunier (481), le corps principal du moulin pour le grain (=>
) et l’équipement pour les meules à chanvre (<=).
(Site AD03 http://recherche.archives.allier.fr/ark:/84133/a011289294772s9HGwt/1/3 )

Principe de fonctionnement possible pour des meules à chanvre

(Source : Pelet P.-L., A la force de l’eau, p. 141)

Revenons à notre Moulin de Prat

Aujourd’hui en ruine, le moulin se découvre sur un ancien chemin destiné aux randonneurs qui ne devinent pas forcément la destination des bâtiments effondrés.
Plusieurs fois rénové, il ne reste plus rien de la partie technique et du matériel dans le bâtiment principal. Il a fonctionné jusqu’au début XXème.
Le moulin devait fonctionner sur 3 niveaux.
Le long du bâtiment subsiste encore le coursier avec semble-t-il une alimentation basse forcée.
Directement en rive du Cher, légèrement en amont, un éperon ou endiguement de protection de l’ouvrage.
Le bief canalisé et empierré
Découverte intéressante qui correspond à une meule fixe pour le chanvre, qui devait être dans une annexe dissociée du corps principal du moulin.
Il s’agit effectivement d’une meule dormante.
Effondrée et partiellement enfuie, elle va faire l’objet d’une attention particulière de l’équipe.
Heureusement la partie visible était suffisante, et, en détournant un peu l’eau temporairement, il a été possible de coter cette belle pièce qui se révélera faire 1m70 de diamètre, son poids devrait approcher les 2 Tonnes.
Sur le périmètre, un des trous de manutention est encore visible.
On note également un cerclage de réparation avec de gros boulons et des “emplâtres” en ciment attestant de l’entretien de la meule en période moderne.
Piquetage encore bien visible dans la zone active.
En aval du moulin, à quelques dizaines de mètres subsiste une pile d’une ancienne passerelle (cf Carte d’État-Major ci-dessus).
Côté moulin, en rive gauche, la culée ou son renfort est toujours là.

COMMUNE DE SAINTE THERENCE

Nouvelle prospection dans cette zone du Haut-Cher, cette fois nous sommes en rive droite, sur la commune de Sainte-Thérence, à quelques centaines de mètres en aval du Moulin de Prat, nous prospectons les vestiges du Moulin de La Bique. Nous nous trouvons en présence d’un ouvrage hydraulique identique dans ses fonctions à celui de Prat. Il s’agit d’un moulin à farine  sur  trois niveaux  auquel est  adjoint une annexe ayant pour fonction également le traitement du chanvre. L’ouvrage qui a fonctionné jusqu’au début du XXème est aujourd’hui en ruine et envahi par la végétation. L’étude de ces structures est intéressante car les systèmes avec meules à chanvre n’ont pas été signalés ou encore découverts en zone aval après Montluçon.

Les conditions : Situation identique à la précédente, la hauteur d’eau et sa couleur sont telles qu’il n’est pas possible de faire une mise à l’eau et la prospection se fait en déplacements terrestres sous une chaleur presque caniculaire mais en forêt.

On retrouve la même organisation qu’à Prat, une habitation, un bâtiment principal de meunerie et le dispositf  annexe extérieure pour le chanvre.
 (source AD 03 : http://recherche.archives.allier.fr/ark:/84133/a011289294772nyVndI/1/2)
Comme son proche voisin, le Moulin de la  Bique  est aujourd’hui ruiné, il aurait fonctionné  jusqu’au début du XXème.
Au milieu du bâtiment ne subsiste que quelques rouages du système d’action des meules mis en place en période moderne. 
Arbre de transmission de la force hydraulique.
Linteau de porte partiellement enfuie du local du mécanisme.
A l’extérieur, dans l’axe de la digue de dérivation, le bief est comblé.
Sur le côté du moulin, on aperçoit la meule dormante pour le chanvre.
Effondrée sur son support, une magnifique meule.
2 m de diamètre, 64 cm d’épaisseur, en granite, elle doit avoisiner les 3 Tonnes
La meule fait l’objet de relevés pour pouvoir être dessinée.
La meule tournante (meuleton) qui était associée à la meule ci-dessus. Elle se trouve dans le lit du Cher à quelques mètres de la dormante.
(cliché réalisé en période de basses eaux.)

Il s’agit du deuxième moulin construit sur le même principe de fonctionnement et d’équipement sur un tronçon de moins d’un kilomètre de rivière.

En comparaison ci-après, un exemple de moulin équipé d’une petite structure pour le chanvre comme nos deux moulins. Il s’agit du Moulin de La Ribe à Evaux-les-Bains (23) sur la Tardes juste un peu au-dessus des Gorges du Cher. On peut voir un moulin principal avec son bief dans lequel on devine la roue, une passerelle et une petite annexe au toit de chaume dont la fonction devait être d’écraser le chanvre.

Le niveau du Cher reste fluctuant encore durant cette fin juillet, la pluviométrie abondante et les lâchés des deux barrages amonts (Rochebut et Prat) n’arrangent pas les prospections des plongeurs. Il faut donc rester attentifs et savoir saisir une opportunité de baisse du niveau. La zone du Moulin de Prat est reprise en prospection par un petit groupe.

Le courant reste assez fort au milieu du lit dans ces hautes gorges du Cher, mais la couleur de l’eau permet de faire des observations.
Progression en PMT parfois difficile entre les rochers où le courant est fort !
Le niveau d’eau plus bas permet d’avoir une idée sur la technique utilisée pour les fondations de la pile de la Passerelle de Prat
La meule dormante du système de ribe du Moulin de Prat.
Examen et explications du chef de chantier sur le coursier du moulin principal de Prat. L’aménagement de ce type de moulin est assez singulier et apparemment propre à la zone du Haut Cher.
Une technique déjà éprouvée lors de précédentes explorations : La prospection mixte canoë et plongée va nous permettre de poursuivre l’observation des Gorges du Cher sur une plus grande distance.
Un endroit intéressant, il est facile de s’arrêter  et  de sonder  un trou  ou une zone susceptible de retenir ou contenir des traces du passé.
Parfois profond et large, parfois peu profond le Cher dans ses gorges est très variable d’où l’intérêt aussi de bien choisir sa journée car il ne faut pas oublier que l’on se trouve dans son tronçon “torrentiel”.
Juste en amont du Château de l’Ours, un ancien gué est retrouvé.
(en arrière plan)
Abandonné depuis plusieurs générations, le gué et ses  vestiges sont retrouvés aussi grâce aux cartes anciennes qui le mentionnent.
Si le petit appareillage a disparu par l’absence d’entretien, les gros blocs de rives sont toujours là et permettent de s’imaginer les efforts déployés à l’époque pour l’aménagement d’un gué. En l’absence de pont, il fallait bien recourir à de tels ouvrages pour mettre le franchissement saisonnier du Cher.
Une petite pause bienvenue au pied du Château de l’Ours en rive gauche.
Il ne faut pas toujours avoir  la tête sous l’eau et savoir lever le nez sur les rives pour découvrir des traces d’activités humaines aujourd’hui disparues mais qui ont occupé des familles et des générations pendant plusieurs siècles.
Les aménagements de biefs sont toujours visibles.
Aujourd’hui perdues voire oubliées ou devenues inaccessibles de la forêt, des aménagements de rives indiquent une activité humaine par le passé. Même si la rivière était parfois dangereuse, il fallait bien vivre et essayer non pas de dompter la rivière mais de l’aménager et la canaliser à dessein.
Plusieurs tronçons sont ainsi aménagés au fil de la rivière sans qu’il y ait de trace écrite.
C’est  l’intérêt d’opérations de prospection de permettre le signalement de tels vestiges. 
C’est une autre technique de canoë !
Elle a l’avantage de soulager les épaules .
Surprise ! Un troupeau de vaches connait encore les franchissements ancestraux pour passer d’une rive à l’autre. 
Encore un moulin à ribe en rive droite cette fois. La meule dormante et le meuleton sont en place et indiquent le principe de fonctionnement de ces installations où l’on trouvait un moulin à grain classique et une ribe pour le chanvre sur le même site.
Comme les  sites ou moulins  amont, cette activité a cessé au début du XXème siècle.
La modernisation du XIXème  n’a pas permis de conserver l’activité et les installations disparaissent avec les connaissances techniques.
Le bief ou canal d’amener  alimentait d’un côté un moulin à grain et d’un côté un moulin à chanvre ou ribe rentabilisant ainsi les installations avec deux types de productions.
Le meunier et sa famille habitaient légèrement au dessus à l’abri des crues.
Tout à gauche le Cher, ensuite la ribe, le bief , à droite le moulin à grain  et plus haut sur le versant, l’habitation du meunier.
Cette configuration était très courante et plusieurs fois répétée  dans les Gorges du Cher tant en rive droite qu’en rive gauche.
Une belle opération mixte canoë / plongée qui a permis d’actualiser, en partie, les connaissances sur l’activité humaine  dans cette vallée redevenue presque sauvage.
On n’oublie pas le  petit clin d’œil à la biologie subaquatique et lorsque l’on croise une espèce intéressante, on ne manque pas de la signaler. La plaque jaunâtre ici est une  éponge d’eau douce.
(spongilla lacustris)
Là aussi une espèce assez typique de ce Haut Cher que l’on trouve en eau claire, fraiche et dans le courant: la callitriche (callitriche hamulata).